Tomi, reviens vite... extrait 19

« Farzad et Jihane ne totalisaient pas soixante ans à tous les deux quand ils arrivèrent à Clairpont. Et pourtant, avec leurs visages marqués par les épreuves subies, ils paraissaient bien plus âgés. Le visage de leurs deux enfants, Aisha et Javid, ne cessa jamais de montrer une énergie et un rayonnement incroyables. S’il fallait démontrer qu’il existe bien une sortie heureuse face à l’adversité, en surmontant des chocs traumatiques, c’est avec leurs rires et leurs jeux qu’il faudrait le faire.

Dans leur petit logement de la « Chinaille », depuis qu’ils étaient arrivés, ils se disaient favorisés de pouvoir manger un kabuli pulao (mets afghan à base de riz et d'agneau), tous assis en tailleur sur un tapis râpé.

Aisha et Javid enchaînaient sans cesse les clowneries. Ils avaient vite oublié la séparation car pour plus de sécurité le père était parti avec son fils et la mère avec sa fille. Les deux époux décidèrent d’emprunter deux routes migratoires différentes. Ils avaient entendu parler de la ville de Clairpont et c’est là qu’ils pensaient se retrouver rapidement.

Ce n’est qu’après trois années que leur famille se reformait. Le père s’agaçait parfois des jeux de ses enfants comme s’ils avaient tout oublié : il lançait alors, dans un français encore hésitant : « Partez dans votre chambre ! » Une famille normale, en somme. » (p. 45)