Tomi, reviens vite... extrait 37

« Les ouvriers, chargés de contrôler la sécurité de l’appartement de Guy D., une fois que ce dernier eût déménagé, avaient trouvé au sol un petit livret édité en 1966 : "De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier".

Guy D. avait aussi placardé sur son mur de salon quelques mots écrits de sa main :

"Je rêve d’un monde où chacun prenne sa vie en charge, où l’homme éprouve que ce monde tue les capacités poétiques individuelles. Contre l’aliénation insupportable à tout homme qui chérit sa liberté, j’affirme que l’on peut créer sa vie quotidienne au lieu de la subir.

Les hommes construisent une société de morts vivants aux désirs frustrés, alors qu’ils ont tous les symptômes des repus : une révolution purement économique est insuffisante.

Pour commencer, chacun doit sortir de sa solitude. Pour démarrer quelque chose, il suffit d’être deux. Il n’y a, pour fonder une réalité nouvelle, que le don.

Je dénonce ce monde des capitalistes qui obligent à travailler, subir l’humiliation d’une hiérarchie et l’abêtissement d’un univers d’objets. Voilà, le panneau dans lequel il ne faut pas tomber.

Je veux un monde à la couleur de tous les désirs, et nous voilà aussi gris, aussi uniformes que quiconque.

Guy D."

Tomi et Charles avaient ajouté leurs signatures sous celle de Guy D. » (p. 87)